Les services publics en France, allant de la police aux hôpitaux, sont souvent critiqués pour leur inefficacité et leurs défaillances. Cette insatisfaction croissante n’est pas simplement le résultat de problèmes ponctuels ou de manques de ressources, mais est souvent causée par un facteur beaucoup plus insidieux : l’obsession des métriques. Dans un contexte où la performance des services publics est de plus en plus mesurée par des indicateurs quantitatifs, cette quête de chiffres engendre souvent des effets contre-productifs imprévus.
Nous verrons comment une réévaluation de la manière dont nous mesurons la productivité peut offrir des solutions plus efficaces et satisfaisantes.
L’Obsession des Métriques et ses Effets Indésirables
Lorsque la performance des services publics est mesurée uniquement à l’aide de métriques quantitatives, comme le nombre de délits déclarés pour la police ou le temps de traitement dans les hôpitaux, cela engendre toujours des comportements contre-productifs qui compromettent la qualité des services rendus. Voyons quelques exemples:
- Police : Si la rémunération des forces de l’ordre est basée sur le nombre de délits déclarés dans une circonscription, cette approche les incite à adopter des stratégies qui faussent les chiffres. Pour améliorer leur performance sur le papier, les policiers réduisent le nombre de patrouilles ou refusent d’enregistrer certaines plaintes. Bien que ces mesures semblent optimiser les statistiques, elles compromettent en réalité la sécurité publique et minent la confiance des citoyens dans les forces de l’ordre. L’absence de patrouilles et le rejet des plaintes nuisent directement à la prévention et à la résolution des crimes, entraînant une détérioration de la sécurité dans les quartiers concernés.
- Santé : Dans les hôpitaux, la pression pour réduire les durées de séjour des patients afin de maximiser la rotation des lits mène à une gestion inefficace des soins. En cherchant à optimiser les statistiques, les établissements sont tentés de précipiter les sorties des patients, ce qui nuit à leur rétablissement. Cette pratique, motivée par des objectifs numériques, engendre des complications à long terme pour les patients et réduit la qualité des soins. La priorité donnée aux chiffres compromet ainsi la santé et la sécurité des individus.
- Éducation : Les établissements scolaires, confrontés à des évaluations basées sur des tests standardisés tout au long de l’éducation d’un élève, orientent leurs efforts vers la préparation des élèves à ces tests au lieu de fournir une éducation holistique. Cette concentration sur les résultats des tests limite l’espace pour l’enseignement de compétences critiques et créatives, essentielles au développement global des élèves. Les programmes éducatifs deviennent uniquement axés sur la performance des tests, négligeant ainsi des aspects importants de l’apprentissage, comme la pensée critique et la créativité. Ce déséquilibre a des répercussions négatives sur la formation des étudiants, les préparant moins bien pour des défis variés dans la vie professionnelle et personnelle.
L’obsession pour les métriques quantitatives dans les services publics engendre des pratiques qui, bien qu’améliorant les chiffres à court terme, détériorent la qualité réelle des services. Pour remédier à ces dérives, il est crucial d’explorer des approches de mesure plus équilibrées et représentatives de la véritable satisfaction des usagers.
Repenser la Mesure de la Productivité et de la Satisfaction des Services Publiques
La solution ne réside pas dans l’abandon de toute mesure de productivité, mais dans sa réinvention pour mieux refléter la réalité des services. Étant donné que la productivité et la satisfaction sont intrinsèquement subjectives, il est plus pertinent d’utiliser des moyens subjectifs pour les évaluer. Deux approches principales se distinguent dans cette optique : l’attribution des budgets en fonction des besoins perçus, ce qui est le cas actuel et se rapproche de l’idéal communiste, et l’attribution des budgets en fonction de la satisfaction des usagers, qui serait plus en accord avec le marché et l’idéal libertarien.
- Mesure Subjective : Plutôt que de se concentrer exclusivement sur des métriques quantitatives telles que le nombre de délits ou le temps de traitement, il est plus judicieux de recueillir les avis des citoyens sur leur satisfaction quant aux services reçus dans leur circonscription. Cette approche permet de capturer la qualité perçue des services, offrant une image plus fidèle de l’impact réel des services publics sur la vie quotidienne des individus. En intégrant les perceptions des usagers, nous obtenons une évaluation plus nuancée et représentative de la performance des services. Cette approche nécessiterait des systèmes efficaces de collecte des perceptions, en utilisant les leviers des nouvelles technologies comme la blockchain, par exemple.
- Récompense au Mérite : Dans ce modèle, les ressources et les budgets ne sont pas alloués en fonction des besoins déclarés, comme le suggère l’idéal communiste, mais plutôt en fonction de l’efficacité perçue et de la satisfaction des usagers. Les circonscriptions montrant des niveaux élevés de satisfaction pourraient bénéficier de budgets accrus et d’une extension de leurs responsabilités. Cette approche valorise l’efficacité réelle et la qualité des services, encourageant les administrations à optimiser leurs pratiques pour répondre aux attentes des citoyens.
- Gestion des Ressources : Pour éviter que l’agrandissement des territoires de gestion ne soit perçu comme une punition, une autre solution serait de licencier les personnes responsables des zones les moins satisfaisantes, et d’introduire des primes pour ceux qui acceptent des mutations depuis les zones les plus efficientes vers ces zones moins satisfaisantes. Ce système garantit que les récompenses ne sont pas simplement liées à une augmentation de la charge de travail, mais aussi à la reconnaissance des efforts déployés pour améliorer les services dans des contextes plus difficiles. Cette approche encourage une répartition plus équitable des ressources et des responsabilités, tout en maintenant une motivation positive parmi les agents publics qui sont performants.
En réévaluant les méthodes de mesure de la productivité pour se concentrer sur les éléments subjectifs de satisfaction, nous pouvons créer un système plus équilibré et juste. Cela permet d’avoir un modèle qui récompense réellement l’efficacité et améliore la qualité des services publics. Cela permettra de mieux répondre aux besoins réels des citoyens tout en évitant les dérives liées à l’obsession des métriques quantitatives.
Conclusion
L’obsession pour les métriques objectives a conduit à une série de pratiques contre-productives dans les services publics en France, allant de la police à la santé et à l’éducation. En focalisant les évaluations de performance uniquement sur des indicateurs quantitatifs, nous avons créé un environnement où la qualité réelle des services est sacrifiée pour atteindre des objectifs numériques. Ce phénomène est visible dans les stratégies employées pour manipuler les chiffres plutôt que d’améliorer véritablement les services, ce qui engendre une détérioration générale de la satisfaction des usagers.
Pour contrer ces effets néfastes, il est essentiel de repenser notre approche de la mesure de la productivité. En reconnaissant que la productivité est intrinsèquement subjective, nous devons adopter des méthodes d’évaluation qui capturent la véritable qualité des services. En intégrant des mesures de satisfaction subjective et en allouant les ressources en fonction de cette satisfaction plutôt qu’en fonction des besoins perçus, nous pouvons créer un système infiniment plus efficace.
En adoptant cette approche, nous valorisons non seulement l’efficacité réelle mais aussi la perception des usagers, ce qui conduit à une meilleure gestion des ressources et une plus grande satisfaction générale. Avec des services publics qui répondent véritablement aux attentes des citoyens tout en optimisant leur qualité.
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